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« Le Fil », de Daniel Auteuil : un accusé face à la relativité des témoignages

L’AVIS DU « MONDE » – À VOIR
A 74 ans, Daniel Auteuil n’a pas rangé au placard son costume d’acteur. Il aurait tort, son talent, sa technicité, la constance de ses prestations et l’étendue de sa palette n’étant plus à démontrer. Plus rare ou moins sollicité depuis quelques années qu’en son âge d’or, l’acteur, partant du principe qu’on n’est jamais si bien servi que par soi-même, est passé derrière la caméra dès les années 2010. Que la vie lui pardonne. Il s’y est essayé à trois reprises à ressusciter la formule des adaptations de Pagnol qui, sous la caméra de Claude Berri, l’avaient définitivement imposé à la fin des années 1980. Avant d’adapter plus récemment un succès théâtral de Florent Zeller (Amoureux de ma femme, 2018) consacré à ce bon vieux démon de midi, horloge des passions boulevardières.
Le Fil, son cinquième long-métrage comme réalisateur, est largement le plus convaincant d’entre tous. Une histoire criminelle glauque et tendue – inspirée d’un fait divers mis en écriture en 2011 par le défunt avocat Me Mô (alias Jean-Yves Moyart), auteur de l’ouvrage Au Guet-apens, chroniques de la justice pénale ordinaire (La Table ronde, 2011) – une mise en scène sobre et efficace, des acteurs convaincants, un twist d’enfer, emportent ici le morceau. Venant donc de quitter Daniel dans un rôle d’avocat pédophile dans le film sombrissime de Joachim Lafosse, Un silence (2023), nous le retrouvons sous la robe dans Le Fil, où, si la toile de fond n’est pas moins glauque, il s’est néanmoins arrogé un rôle beaucoup plus aimable.
Il y interprète Me Jean Monier, un avocat retiré des dossiers criminels depuis qu’un meurtrier récidiviste doit à son talent de l’avoir innocenté. Il arrive qu’un soir, au coin du feu, son ex-femme (Sidse Babett Knudsen) rechigne à se déplacer pour une garde à vue. Toujours galant homme, Daniel Auteuil – pardon Me Monier – ôte cette épingle de sa botte en partant dans la nuit rejoindre le commissariat. C’est là qu’il fait la connaissance de Nicolas Milik (Grégory Gadebois), et que l’engrenage criminel se referme de nouveau sur lui. Parce que Milik, assassin tout désigné de son épouse, à laquelle on a tranché la gorge, et de bien pire encore par la suite, c’est a priori le bon bougre clamant son innocence, qui ne comprend pas bien ce qui lui arrive, et sur lequel va se refermer l’appareil judiciaire.
Jean Monier, sans y penser, y repique. Comment laisser cet homme que tout semble accabler aller devant un jury d’assises ? Avec cette belle-sœur qui le hait visiblement et le désigne comme coupable. Avec Roger, ce vieux copain, ancien militaire, féru de couteau de combat, qui l’enfonce en croyant le défendre. Avec ce fameux fil bleu, retrouvé par la gendarmerie sous l’ongle de la victime, qui provient d’une de ses vestes ? Milik décrit, quant à lui, sa femme comme une alcoolique violente, qui a quitté le soir du crime le domicile conjugal après une énième dispute.
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